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Photographier le corps, penser le monde : 3

  • Photo du rédacteur: Léonie Stolberg
    Léonie Stolberg
  • 30 mai
  • 10 min de lecture

      

Pour moi Photographier le corps c'est penser le monde.

J'adore recevoir des questions sur ma pratique et beaucoup tournent autour du même sujet, comment faire la différence entre le nu charnel et artistique et je suis toujours heureuse d’y répondre.

Plus j'avance , plus je vous rencontre que se soit pendant une experience shooting ou une exposition plus je comprends les intencité différente de cette même question ,c'est pour cela que je n'y mets aucun jugement mais du plaisir à comprendre à travers nos milieus et nos histoire si differents pouruqoi cette même question nous brûle autant les lèvres et l'imaginaire.




Vous vous en doutez peut-être : ce n’est pas la première fois qu’elle m’est posée. Mais elle continue de m’interpeller, de m’émouvoir, de me nourrir. Car elle n’est jamais tout à fait la même, et surtout, elle évolue avec moi aussi puisque je fais par d’expérience en plus de théorie et de recherche

Travailler avec la nudité, ce n’est jamais anodin. C’est s’inscrire dans une histoire longue, ambivalente, parfois violente, mais aussi traversée de beauté, de luttes, de réinventions. C’est convoquer tout un héritage visuel, culturel, politique. C’est dire quelque chose du corps, mais aussi de notre époque, de ses tensions, de ses silences, de ses possibles.


Le nu n’est pas un objet. C’est un lieu mais aussi un non lieu , je dirais même une hétérotopie en ce basant sur le concept célèbre de Michel Foucault Il y définit les hétérotopies comme une localisation physique de l'utopie elle même ce sont des espaces concrets qui hébergent l'imaginaire.

Pour moi le nu est une hétérotopie car c'est un lieu d’inscription du regard, un territoire symbolique chargé, On y projette nos fantasmes, nos peurs, nos normes. Il peut être sacré, pornographique, thérapeutique, intime, provocateur, militant, vulnérable. Tout dépend du contexte. De l’intention. Du cadre. Du lien entre les personnes.

L’histoire du nu dans l’art en est une démonstration magistrale. De la statuaire grecque, qui idéalisait des corps "parfaits" au nom de l’harmonie divine, jusqu’aux portraits contemporains qui questionnent les identités fluides, le nu a toujours été un miroir des sociétés. Je sais que je dois me répété entre ce que je dis dans les derniers articles et ici mais je suis partisane de la roue libre pour expliquer encore et encore et pourquoi pas y rajouter des précisions , si vous me suivez c'est que vous avez compris et c'est super ! donc revenons à cette idée de démonstration : la Vénus de Botticelli n’est pas la même chose que les nus photographiques de Francesca Woodman ou que les autoportraits performatifs d’Ana Mendieta. Pourtant, ils ont tous en commun de faire parler le corps. De lui donner forme, voix, présence.


Pour mieux expliquer ces comparaisons voici ce que j'exprime a travers eux , Le nu dans l’histoire de l’art n’est jamais anodin. Il ne s’agit pas simplement de montrer un corps dénudé, mais d’exprimer, à travers lui, une vision du monde, une culture, une époque. C’est ce que montre l’évolution du nu depuis l’Antiquité jusqu’à l’art contemporain.

Dans la statuaire grecque, le corps nu est idéalisé puisqu'il incarne une perfection physique pensée comme le reflet d’un ordre supérieur, divin ou cosmique. Ces corps sculptés ne cherchent pas à représenter des individus réels, mais des modèles universels, harmonieux, mesurables. Ils symbolisent un idéal collectif, normé.

Des siècles plus tard, à la Renaissance, cette idée d’idéal revient avec des œuvres comme La Naissance de Vénus de Botticelli. Le nu y est toujours stylisé, beau, mis en scène dans un contexte mythologique. Mais derrière cette apparente pureté se cache un regard essentiellement masculin, qui fige le corps féminin dans un rôle de muse, d’objet à contempler. Et oui où est le regard féminin dans la peinture à cette période là? Malheureusement je n'ai pas grand chose à en dire comme pour le nu au Moyen-Âge qui est perçu comme une pauvre période médiocre par des personnes n'ayant jamais lu sur le Moyen-Âge.

Le nu au Moyen Âge est un sujet complexe, souvent mal compris. Contrairement à l'idée reçue d'une absence totale de représentations de la nudité, l'art médiéval en offre des exemples, bien que ceux-ci soient généralement associés à des contextes religieux, moraux mais surtout symboliques. Et symboliquement il est vrai qu'avec l'avènement du christianisme, la perception du corps humain a profondément changé, car il est désormais perçu comme un rappel de la chute de l'homme et de sa condition pécheresse. Cette vision a conduit à une réduction significative des représentations de la nudité dans l'art médiéval. Les rares exceptions concernent principalement des figures bibliques comme Adam et Ève, dont la nudité symbolise la vulnérabilité humaine et la conscience du péché.

 la nudité est également associée à la damnation et à la punition divine. Les représentations de l'enfer montrent souvent des âmes nues torturées, symbolisant la perte de la dignité humaine.



À l’opposé dans un très grand saut contemporain, Il y a la photographie et dedans les nus photographiques, pour ne prendre qu'un exemple sur une montage d'artiste je choisis pour cet exemple Francesca Woodman, réalisés au XXe siècle, ces photos rompent avec ces représentations distantes. Elle photographie son propre corps, souvent flou, en mouvement, parfois dissimulé. Ce n’est plus un corps figé, mais un corps fragile, intime, qui cherche à exprimer une sensation, un trouble, une identité. Le nu devient ici une exploration personnelle et je pourrais dire existentielle.


Enfin pour finir ces explication rallonger je parle des autoportraits performatifs d’Ana Mendieta proposent encore une autre approche. Dans ses œuvres, le corps nu est mis en relation avec la nature, la terre, les éléments. Il ne s’agit pas d’un corps à regarder, mais d’un corps qui agit, qui laisse une trace. Mendieta utilise le nu comme un outil de mémoire, de rituel, de réappropriation , à la fois politique, féminine et spirituelle, je ne trouve pas beaucoup de documentation par rapport à cela mais il y a presque pour moi une démarche de rituel.


Ainsi, vous comprendrez que la Vénus de Botticelli n’est pas comparable aux nus de Woodman ou aux performances de Mendieta. Chacune de ces œuvres nous parle du nu d’une manière différente, selon un contexte, une époque, une intention. C’est pourquoi on peut dire que le nu, dans l’art, a toujours été un miroir des sociétés : il reflète tour à tour des idéaux, des désirs, des normes ou des luttes et moi, je m’inscris dans cette histoire , sans prétention bien entendue. Mais pas sans la questionner.





Je ne cherche pas à reproduire des codes figés, il est vrai que notre cher philosophe/ sociologue Jean Baudrillard nous parle de la photo comme étant à la prise " la fin du réel" plus précisément il a intégré la photographie dans sa réflexion philosophique ( il est aussi photographe ce que j'apprécie beaucoup chez lui est l'étude de son propre terrain comme moi ) et dans cette réflexion je trouvais au début de ma pratique qu'il avait totalement raison , bien entendue je ne démontre pas qu'il a tords mais pour la plus part des gens j'ai vu et compris qu'il y a avait une dissociation énorme de la réalité et de la photo ou peut-être une trop forte assimilation mais pour moi qui créait deux monde différent ce qui force ce soucis concernant la nudité en art en générale mais SURTOUT dans la photographie.Même en dehors de l'aspect photo unique il y a aussi la dimension muséal et d'expérience d'exposition ( on en parlera plus tard )


Jean Baudrillard, dans ses écrits, a profondément interrogé la photographie et la représentation du réel, en particulier à travers sa critique du pop art et de l'hyperréalisme. Il considérait que ces mouvements artistiques, en reproduisant à l'infini des images du quotidien, participaient à une esthétisation du monde qui efface la profondeur et la réflexion interne. Dans Le complot de l'art, il écrit : « Toute la duplicité de l'art contemporain est là , revendiquer la nullité, l'insignifiance, le non-sens, viser la nullité alors qu'on est déjà nul. »  Cette critique souligne comment l'art contemporain, selon lui, se complaît dans une superficialité qui éloigne de la réalité.

Cette perspective est essentielle pour comprendre la manière dont le corps est traité dans le pop art. En effet, la représentation du corps dans ce mouvement artistique tend à le désincarner, à le transformer en une image lisse et aseptisée, déconnectée de sa réalité charnelle et émotionnelle. Cette démarche a des répercussions sur notre perception du corps, influençant la manière dont nous le voyons et l'interprétons dans notre société contemporaine puisque l'impacte résonne toujours aujourd'hui.

La photographie de nu, en tant que genre artistique, oscille entre représentation esthétique, exploration de l'identité et critique des normes sociales. Elle soulève des questions sur la représentation du corps, le regard du photographe et la perception du spectateur. Certains philosophes et artistes ont abordé le nu comme une forme d'expression de l'humanité profonde. Par exemple, la photographe Ariane Lopez-Huici a déclaré : « Dans chacune de mes photographies, ce n'est pas l'être humain qui est mis à nu, mais l'humanité de l'être humain. »  Cette approche met en lumière la dimension universelle et empathique du corps, au-delà de sa simple apparence physique.

Dans ma démarche artistique, je m'inscris dans cette lignée en mettant l'accent sur l'humain et le concept de "corps commun". Ce terme englobe à la fois le modèle et le photographe, sans effacer leur individualité, mais en soulignant leur interconnexion et leur co-création. 

C'est dans cette relation que réside la subtilité de mon travail, une subtilité qui, parfois, me dépasse et qui, je pense, touche ceux qui suivent mon travail et souhaitent y participer.

John Berger, dans Ways of Seeing, distingue entre être nu et être un nu : « Être nu, c'est être soi-même. Être un nu, c'est être vu nu par les autres et pourtant ne pas être reconnu pour soi-même. »  Cette distinction met en évidence la différence entre la nudité vécue et la nudité représentée, entre l'expérience personnelle du corps et sa perception par autrui.



ana mendieta
ana mendieta


Jean Baudrillard a abordé la photographie comme un moyen d'explorer et de questionner la réalité, mettant en lumière les limites de la représentation. Il considérait que la photographie, en tant qu'image, pouvait devenir un simulacre, une copie sans original, qui se substitue à la réalité elle-même. Dans Le destin des images, il écrit : « Les images ne sont pas de simples représentations de la réalité, mais elles ont acquis une autonomie propre. Elles sont devenues des simulacres, des copies sans original, qui se substituent à la réalité elle-même. »  Cette réflexion offre un cadre pour comprendre les enjeux de la photographie de nu, en particulier la tension entre la représentation du corps et son expérience vécue.

Photographier le nu, pour moi, ce n’est pas figer une pose. C’est activer une relation, une mise en mouvement du regard, du corps, du récit. Mes séances ne sont pas des "shootings" à sens unique. Ce sont des espaces de collaboration entre ce qu'on m'autorise à voir et ce qu'on réussit à me laisser voir. 

Des respirations. Des tentatives. Des doutes parfois.



Comme évoqué plus tôt, la différence ne réside pas dans la peau dévoilée, mais dans l’intention. Le contexte. Le sens. C’est là que tout bascule.

Un nude intime, par exemple, peut être partagé dans une relation de confiance, dans un élan de sensualité, de désir ou d’auto-affirmation. Mais il n’a pas la même fonction qu’un nu pensé pour interroger la société, les normes de genre, le regard hétéronormatif ou les stigmates corporels. Et pourtant, dans une de mes expositions, j’ai justement proposé un déplacement du geste : les participant·es étaient invité·es à déposer leurs propres nudes, anonymes ou signés, dans un espace d’exposition collective. À ce moment précis, l’image intime se charge d’une autre force :

Elle devient archive d’un regard sur soi, trace d’une volonté de se dire autrement, de se reconnaître en dehors du regard dominant accompagné d'amusement , de jeu de soi et de challenge.

Se photographier nu·e, sans intention de publication, est en soi un geste éminemment contemporain. Il cristallise des tensions multiples : le rapport à l’intime, à la représentation de soi, au contrôle de l’image, à la revendication d’existence. Ce geste est ambivalent. Mais il est aussi , pour ma part, profondément, performatif.

Qu’importe le destin de la photographie , qu’elle soit effacée, gardée, ou imprimée dans un album secret, le simple fait de poser l’appareil entre soi et soi-même transforme l’expérience du corps. C'est aussi un idée de série photo, prendre les gens se photographiant eux-mêmes. Une tentative d’épouser ce moment où le corps devient sujet, acteur de sa propre représentation.

Se prendre en photo nu·e peut ainsi incarner, un acte de réappropriation du corps, un geste de réconciliation avec l’image de soi, un moment de regard tendre, érotique ou apaisé, une déclaration « je suis là, entière, belle, présente » et tout est ok.

On pourrait y fait joindre le concept d’authenticité émotionnelle développé par Eva Illouz. Dans une société marquée par l’individualisme affectif, l’acte de se représenter nu·e, pour soi, devient une tentative d’auto-validation émotionnelle. Même sans spectateur, le geste atteste d’un état intérieur. Il légitime une existence sensible pour l'avoir déjà moi même vécu.

Mais ce geste, précisément parce qu’il peut ne s’adresse à personne ,entre en tension avec les logiques dominantes de la société de l’image. Ne pas publier ce type de photo peut devenir un acte de résistance aussi face à l’injonction contemporaine au dévoilement, à la visibilité constante. Et pourtant, le paradoxe demeure : la photo est prise avec un appareil conçu pour partager. Le téléphone encode dans sa technologie même l’idée de diffusion. Ainsi, même sans circulation, l’image nue existe déjà comme un spectacle potentiel.

Nous entrons là dans ce que Jean Baudrillard appellerait l’hyperréalité ( que dirait Foucault hahaha ) une image qui existe pour elle-même, dans un espace suspendu entre le visible et l’invisible, entre l’intime et le spectacle.

Et c’est là, précisément, que ma démarche photographique prend sens. Car je cherche à créer un espace où ce flottement peut être réinvesti. Où le corps nu, loin d’être réduit à un objet de désir ou à un support de projection, redevient sujet d’un geste esthétique et sujet politique.


Mon travail n’est pas que de montrer des corps. Il est de travailler avec eux.


Dans une société saturée d’images , je choisis le contretemps. Je choisis l’intention, le geste réfléchi, le cadre consentant. Je choisis de faire du nu un espace politique, un espace d’écoute, un espace de possible. Bien entendue je suis loins encore de ce que j'aimerai montrer , j'ai hâte d’entamer mes cours de master pour voir comment mettre encore mieux en espace mon récit et ma pratique et sortir un de la dimension photo !

J’aimerais que mes images soient des archives du présent. Non pas au sens d’un inventaire figé, mais au sens foucaldien : des empreintes de ce qui a été pensable, représentable, vécu ici et maintenant. Des formes de subjectivités en construction, des expérimentations du soi à travers le regard de l’autre.. Elles captent ce moment fragile où une personne accepte de se voir autrement. De se re-voir, donc de se re-naître.

Et si certain·es pensent : « tout le monde peut faire ça », alors oui, totalement et essayez.

Cela suppose de désapprendre les réflexes esthétiques imposés, les compositions toutes faites, les attentes genrées. Cela suppose de ralentir. De s’ajuster. D’écouter. De ne jamais oublier que l’image qu'on prends n’est pas neutre.

Je n'ai pas vocation à plaire, encore moins à séduire. C’est pourquoi je ne crois pas à la neutralité du regard. Le regard est toujours situé. Le mien l’est aussi.

Alors je tâtonne et je tente d’ouvrir des espaces.


Merci de me lire. Merci de me questionner. Merci de m’accompagner dans cette recherche.

C’est en pensant ensemble, en doutant ensemble qu'on avance. A très vite pour la suite :)


Léonie

 
 
 

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Léonie Stolberg - Artiste Photographe et Plasticienne

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